Film : GESTES DE PIERRE
45 minutes, couleur, sonore. Hdv.
Production : Imagie
Co-production : Une pierre sur l’autre
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« La pierre se transforme en énergie. Elle ajoute
sa puissance à la puissance de l’homme »
Jean Giono, LA PIERRE

Note d’intention du réalisateur Dominique COMTAT
J’habite un pays modelé par la pierre sèche. Des murs de soutènement, des murs de clôture, des cabanes, des aiguiers, des bergeries, etc. Ce travail de la pierre sèche m’a fasciné et me fascine encore par sa beauté simple, son économie, son ingéniosité. Mais cette beauté a tendance à nous faire oublier que la pierre sèche, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui où elle est présente comme esthétique, comme décoration, avait avant tout un usage agricole et que ces constructions n’étaient pas une fin en soi : cultures en terrasse, abris, voies d’accès…

J’ai donc décidé de réaliser, en 2008, un film sur les constructions en pierre sèche dans la région de Haute Provence « PAROLES DE PIERRES ». Par la suite, en 2014, j’ai réalisé deux autres films sur des villages abandonnés de la région, entourés de pierre sèche : murets, cimetières, enclos, cabanes. (« LA RONCE ET LA CLEMATITE » et « MONTSALIER ») et pour lesquels j’ai filmé un chantier de restauration d’un muret en pierre sèche.
Le film « PAROLES DE PIERRES » essaye de replacer les constructions en pierre sèche dans leur histoire et dans leur paysage. Des plans larges montrent comment ces ouvrages issus de l’économie paysanne ont modelé le paysage à des fins de cultures. Les cultures en terrasse ayant été délaissées, la forêt a repris le dessus, la pierre sèche s’est enfouie, a été oubliée, abandonnée. Le film essayait de retrouver ce passé révolu comme si les pierres pouvaient parler et nous raconter ce qu’elles avaient vécu.
Ce nouveau film « GESTES DE PIERRES » est un zoom avant sur ces paysages et veut se focaliser sur ces constructions, leur technique, leur rapport à la maçonnerie. Il est un hommage à ce savoir-faire, à cette technique qui peut être une métaphore du cinéma que je pratique :
– Constructions avec des matériaux locaux, simples (on fait avec ce qu’on a).
– Un mur en pierre sèche est un tout, un bloc, où chaque pierre est solidaire des autres et c’est ce qui fait sa solidité. C’est l’équilibre des forces entre elles qui fait sa cohérence comme le montage d’un film, l’agencement de ses plans crée son rythme et son intérêt.
D’ailleurs on parle très souvent, à propos du montage d’un film, de sa construction, de son architecture.
Ma rencontre avec Loys Ginoul a été décisive. Après de nombreux échanges sur la pierre sèche, la nécessité nous est venue, à Loys et à moi-même, de réaliser un film axé sur les gestes dans la construction en pierre sèche. Le film s’est fait dans une grande connivence, pas seulement le regard du cinéaste sur le bâtisseur. Du travail du murailleur, en effet, dépend la prise de vue et l’architecture du film.
Loys, grand connaisseur et praticien de la pierre sèche, a un rapport très complet et très complexe avec son métier. Parler pierres avec lui relève de la philosophie, de la connaissance historique, de l’esthétisme, de l’ethnologie, de la géologie et de la morale. Non seulement il possède un grand savoir-faire respectant les traditions mais il innove aussi à partir de cette tradition et c’est un fin pédagogue. L’idée est de filmer Loys lors d’un stage pédagogique de rénovation-reconstruction d’un mur de soutènement en Ardèche. Donner à voir et à entendre sa pédagogie particulière prodiguée à un groupe de stagiaires.
Un film sur cette pédagogie mais qui montre aussi les différentes phases de la restauration complète d’un mur à partir de son démontage jusqu’à sa reconstruction. Ce est donc aussi un film pédagogique sur les techniques de construction. Le film suit chronologiquement le développement du chantier, comprenant trois phases :
Théorie, démontage et analyse, construction.
Mais le film vise autre chose qu’une simple parole, qu’un énoncé théorique. Il veut capter la précision et la beauté des différents gestes du murailleur. Certains gestes correspondent à certaines étapes du chantier : porter, travailler avec des outils lors du démontage et du terrassement ; poser, vérifier, mesurer (avec ses bras et ses mains : la coudée, la brassée, l’empan, le pouce …) lors de la construction proprement dite. Le geste est l’aboutissement du regard et du toucher. Savoir observer une pierre, la soupeser, et la sentir avec sa main. Ensuite agir, la poser, la caler, éventuellement la rejeter. J’envisage ce montage des gestes comme une chorégraphie.
Le film est construit en alternance de plans séquences, où Loys explique, théorise quelques aspects de cette technique face aux stagiaires (et par là-même face aux spectateurs) et de séquences construites avec des plans courts montrant les différents gestes des différents moments de la construction, à l’image des boutisses traversantes (grosses et longues pierres placées perpendiculairement au parement, qui traversent tout le mur et qui sont les pierres de cohésion) alternant avec des pierres plus petites créant des rythmes.
Chronologie :
– Le démontage du mur permet d’observer, de comprendre comment le mur a été construit, comment il a été agencé.
« J’aime bien lire dans les ruines les histoires, les gestes. C’est des pierres posées les unes sur les autres. Il y a la pierre mais il y a aussi qu’est-ce qui s’est passé lorsqu’elles ont été posées et ça ça paraît de façon explicite quand le bâtiment tombe en ruines, on le voit encore plus. La ruine démonte progressivement une architecture et ça fait penser à l’autre moment de l’architecture qui est le moment où la maison est montée, donc le chantier. La ruine c’est le moment dynamique de l’architecture au même titre que le chantier. Dans la ruine on voit le chantier. »
Xavier Boutin, architecte, in MONTSALIER
A ce moment un inventaire des différentes pierres qui seront réutilisées pour la construction est fait. Les pierres sont triées et classées en fonction de leurs particularités et pour leur usage futur : pierres pour les fondations, pierres à bâtir, pierres de couronnement, cailloutis pour le remplissage et le blocage. Le terrassement semble un travail fait en force avec l’aide d’outils manuels; pioche, pelle, râteau, truelle, masse, barre à mine.:C’est la préparation à la troisième phase : La construction
« Il y a un plaisir extraordinaire, déjà à bâtir, à bâtir en général, c’est très phallique, il y a une jouissance. Mais à bâtir en pierre sèche beaucoup plus qu’à bâtir au mortier, c’est indescriptible, indéfinissable. Là, vraiment, on a la pierre (…), un matériau qui est noble, qui est solide, que l’on a bien en main et on a ses mains et c’est tout. »
Pierre Martel in « PAROLES DE PIERRES ».
A chaque phase de la construction correspondent des gestes différents : assise, blocage, croisement, pendage.
La technique est celle du geste, de la compréhension de chaque pierre, de l’usage spécifique que l’on en fera. A ce stade très peu d’outils sont utilisés : la massette pour enfoncer une pierre et le têtu pour « raboter », enlever des imperfections. Le murailleur travaille en même temps avec force et méticulosité, avec patience comme dans un jeu de construction.
« A la manière d’un enfant qui met en relation des volumes avec des formes (une sphère dans un cercle, etc.), construire en pierre sèche demande « d’avoir l’œil ». Cela nécessite de mettre en éveil des sens relativement instinctifs comme le toucher, l’appréhension des volumes. Christian Lassure évoque la maçonnerie à pierres sèches « comme un jeu de patience en volume, un puzzle dans l’espace»
Louis Cagin, CONSTRUIRE EN PIERRE SÈCHE, Ed. Eyrolles, 2009
Chaque pierre doit être en contact avec ses voisines, chaque pierre est solidaire des autres, sinon c’est la ruine. Le mur, entité comparable à une société, est donc fait de nombreuses individualités en contact les unes et les autres. Certaines jouant des rôles plus spécifiques de solidité, de cohésion du groupe (pierres de fondation, pierres de couronnement, boutisses traversantes)
Le film tend à montrer ces gestes issus d’un savoir-faire professionnel mais aussi ancestral et qui aurait tendance à disparaître. En effet on voit de plus en plus d’ouvrages en pierre sèche d’apparat (ou d’apparence), nombreux sont les « faux » murs en pierre sèche : un simple parement devant un mur de parpaings où l’on essaye de masquer le ciment. Ces ouvrages sont la contradiction et la négation du mur en pierre sèche qui est flexible, malléable, non rigide et laisse par exemple s’infiltrer l’eau. Leurs gestes en diffèrent largement : utilisation de nombreux outils si ce n’est

manitous, tractopelles et bétonnières. Le murailleur ne s’encombre pas d’outils ou seulement de quelques outils manuels. Le film veut extraire la beauté de ces gestes, en montrer la sensualité : l’œil et la main mais aussi l’odeur (sans le gas-oil de la tractopelle), l’ouïe (un son différent à chaque pierre).
Montrer la simplicité de ces gestes, simplicité mais précision, simplicité dans un réseau complexe de forces, de pierres prenant l’aspect d’un puzzle en équilibre sur trois dimensions.
Présentation du projet de film. texte de Loys GINOUL écrit avant le tournage
Du fait de « l’objet » filmé, ce sera un film sur la pierre sèche, autour d’un travail de transmission des gestes techniques et repères paysagers lors d’une séquence de formation. Mais pour moi ce sera avant tout un film de Dominique Comtat, qui me surprend et me ravit à chacun de ses films par son regard et sa façon si particulière de ciseler une image du réel. C’est presque avec impatience que j’espère voir ce que Dominique va réaliser à partir de ce qui me passionne et dans lequel je m’investis, la pierre sèche et le paysage.
Le terrain de la formation sera la restauration d’une portion de mur de soutènement en pierre sèche ruiné. Le public apprenant sera composé d’adultes débutants désirant se former à la technique de la pierre sèche. Le film s’invitera dans une des cessions prévues pour restaurer une ancienne propriété en coteaux entièrement aménagée en pierre sèche.
Les aménagements datent certainement du XIXe siècle, ils racontent un paysage de pente, d’autres nécessités, un autre cadre de vie, d’autres gens, une société paysanne vivant en semi-autarcie. Chaque mur est une infime partie d’un tout et s’intègre dans un coteau en friche mais encore entièrement structuré par la pierre sèche. Aucune construction moderne, de la pierre, de l’eau, une végétation luxuriante ayant remplacé les plantations humaines.
La théorie commence la séquence afin de bien saisir des notions aussi diverses et complexes que : les besoins qui ont générés ces ouvrages, la particularité locale du milieu physique, les disponibilités en matériaux, la relation des hommes au quotidien et à cet environnement, son évolution et les évidences techniques qui en découlent. Ces réflexions mettent en cohérence l’acte de construire et la nécessité de l’ouvrage réalisé. Cette cohérence étant la clé de la réussite de toute restauration d’ouvrage historique dans l’esprit de la construction originelle.
Puis il y a la technique proprement dite, la situation de formation sera certainement intéressante au niveau des gestes car elle permettra de les aborder mis en scène simultanément dans le même plan à plusieurs niveaux :
– le geste lui-même, rapport de la main et de l’œil à la pierre
– l’explication et l’analyse du geste, à travers les mots du travail de pédagogie.
– la répétition, dans le perfectionnement et l’appropriation de ce geste par les apprenants.
Le réalisateur, Dominique Comtat, manie l’image, et le son qui va avec, selon une grammaire propre à la poésie. Rien n’y est au hasard, pas la moindre virgule. Le propos qui en naît, le film, a la ponctualité réaliste de la science, et l’éclat vif et émotif des instants de la vie.
Lors de mes interventions en formation professionnelle, parallèlement à la pratique, je projette aux étudiants les films « PAROLES DE PIERRES » et « MONTSALLIER » pour les amener à débuter une réflexion sur les notions de paysage et d’environnement bâti. Les projections ont toujours sur eux un effet de surprise ; celle d’une ouverture inattendue sur ce que peut signifier l’acte technique qu’ils se proposent d’apprendre. Ils prennent conscience de la dimension personnelle du rapport à la technique et de la vision de ce qu’est « un ouvrage », de ce que peut être « faire ouvrage ». GESTES DE PIERRE s’inscrira sans doute dans cette veine d’éveil à la conscience du comment construire et du pourquoi l’on construit.
« GESTE DE PIERRE » sera en ce sens un outil pédagogique dédié à l’entretien du bâti paysager et à ses spécificités locales. Il permettra une découverte et la transmission de savoirs paysagers vernaculaires pour des publics divers : milieux institutionnels ou associatifs, qualification professionnelle, professionnels, agricoles ou particuliers en démarche d’auto-construction, curieux intéressé par la pierre sèche.
article édité le 02 septembre 2015; (mis à jour le 10 septembre 2015 et le 02 mars 2021)
crédit photos: Dominique Comtat, Louis Cagin & Laetitia Nicolas
Merci Claude, en espérant que le financement se boucle… ce qui n’est pas encore le cas…
Avec impatience on attend tous yeux et toute ouïe ouverts …